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L'atelier Franck Michel

Le BATELEUR

Les oeuvres de 

Le BATELEUR

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Né en 1961 à Paris, FRANCE
Décédé en 1995 à Paris, FRANCE


Le Bateleur (de son vrai nom Pascal Vailler) est né à Paris (à Ménilmontant, rue de la Mare) le 14 août 1961, dans une famille de quatre enfants. Dès l’âge de 3 ans, il souffre de l’abandon de ses deux parents, son éducation se fait en partie dans la rue : « Entre 3 ans et 10 ans, j’ai vécu dans la rue, en grappillant dans les vergers, en maraudant chez les boulangers, en allant de temps en temps chez mon père, ou chez ma grand-mère. », selon le journaliste Chris Kutschera.


Quand sa grand-mère impotente meurt d’un cancer, sa vie bascule : « j’ai été arraché de force à ma famille, et trois jours après, j’étais dans un train, direction un foyer de la DASS, en Savoie… Matériellement, ce foyer était irréprochable, affectivement, c’était insupportable, nous n’avions aucun amour, aucune tendresse, jamais un baiser, jamais un sourire ».


Il sort de ce foyer à 18 ans, avec une formation de cuisinier : « Je ne suis pas allé loin ; j’étais complètement révolté, j’avais envie de tout faire pour détruire la société, par vengeance contre cette société qui avait bousillé mon enfance. »


Devenu « un voleur et un drogué », il fera au total trois ans de prison : « J’ai été un naufrage total… Un jour, j’étais arrivé à l’ultime limite, j’avais ma dose d’héroïne et j’étais décidé à en finir… quand j’ai rencontré une femme. Elle a voulu un enfant, alors j’ai décidé de suivre une cure de désintoxication, très pénible. Depuis, je ne touche plus aux drogues dures, cela me dégoûte. »


Toujours selon le journaliste Chris Kutschera, « Le Bateleur a acheté un bar dans le midi, il a voyagé et vécu aux Antilles (La Guadeloupe). Depuis son retour en France métropolitaine, il bombe. Installé dans le squat « Jean Paul Gaultier » situé rue du faubourg Saint Antoine en 1992, puis au Grenier Saint Lazare (nommé également le Chapelier fou ou Supermarché de l’Art) en 1993, et enfin dans l’espace artistique de la rue des Cascades (20e arrondissement de Paris) - une ancienne usine occupée par des artistes - Le Bateleur passe son temps à peindre et à faire des pochoirs. »


Selon le témoignage de Pierre Davis Dutreix, artiste franco-américain arrivé à Paris en 1991, qui vécut dans plusieurs squats d’artiste avec les membres du collectif Zen Copyright (un groupe d’artistes comprenant entre autres SP38, Momo, Yarps, Pedrô! … qui durera une dizaine d’années, changeant de lieu au fil des expulsions), c’est dans le squat du 93 Grenier Saint Lazare qu’il rencontre Le Bateleur et qu’ils sympathisent, tous deux attirés par la spiritualité et en particulier par le bouddhisme.


En ce temps-là, au début des années 1990, les ateliers d’artistes manquent, alors que les endroits délaissés abondent ; c’est la grande époque des « squarts » (squats d’artistes). Jean-Baptiste Ayraud crée l’association Droit au logement (DAL, 1990). Et les squatters connaissent la loi, sont organisés et ont même un avocat spécialiste du droit au logement, Maitre François Breteau.


La défense des mal-logés et le droit au logement, sera également un des combats du Bateleur : « Il savait être guerrier quand il s’agissait de se battre pour le droit au logement, et défendre les personnes SDF ou défavorisés. »

À la fin de sa vie, il ne désespérait pas de sauver le squat de la rue des Cascades : « Ce que nous disons, nous, à tous ces promoteurs, tient en quelques mots ; vous fermez des lieux pendant 5 ou 10 ans avant de les détruire. Pendant ce temps-là, prêtez-les, mettez-les à la disposition d’organismes, pour des artistes ou pour les SDF. Prêtez-les, le temps que vous n’en faites rien. »


Le Bateleur vit avec un budget dérisoire de 2 000 francs par mois. Il en réinvestit 1 500 pour la peinture, il lui reste 500 francs : « Je mange un sandwich par jour, et j’achète un paquet de tabac tous les trois jours... Je n’achète jamais de fringues : tout ce que je porte, je l’ai récupéré dans des poubelles. »

Le Bateleur ne veut surtout pas se laisser récupérer : à la différence de certains de ses collègues pochoiristes qui s’alignent sur le marché de l’art, et vendent leurs œuvres plusieurs milliers de francs, Le Bateleur ne vend rien au-dessus de 1 000 francs.


Et dans la rue il distribue souvent gratuitement ses pochoirs. Mais par moment il se laisse gagner par le doute : « Je me considère comme un bon ouvrier, mais je n’ai même pas le salaire d’un RMIste ! J’arrêterai peut-être le pochoir, parce que la reconnaissance n’est pas ce qu’elle devrait être... Peut-être mon ultime pochoir aurait-il pour texte : “Mort d’avoir trop donné... merci de ne pas l’oublier. »

Une œuvre riche de 80 matrices


Une casquette Gavroche sur la tête et un anneau à l’oreille gauche, (« un look punk Poulbot » selon Yarps), Le Bateleur avait son style bien à lui, entre titi parisien et pirate des rues.

Doux et plutôt timide, parlant d’une voix très douce, sensible, bienveillant et généreux, malgré son enfance perturbée (selon Spray Yarps), il était à la fois anarchiste et mystique (d’où son pseudo tiré du tarot divinatoire, signifiant le magicien), refusant le travail mais capable de passer plusieurs dizaines d’heures à la création d’un pochoir.


D’après sa dernière compagne, il était certes doux et généreux, toujours du côté des faibles, mais aussi très charismatique, avec un caractère fort de leader et il savait se battre (même parfois physiquement). Refusant le RMI par fierté, il s’est donné à fond à son art, dans l’urgence de se savoir malade (mais sans en parler ni se soigner).


Autodidacte n’ayant pas appris le dessin, il choisit le pochoir pour s’exprimer, travaille à partir de photos, en utilisant les fonctionnalités des photocopieurs de l’époque, c’est-à-dire en forçant les noirs. Puis il découpe au « cutter type scalpel X-Acto », les parties noires pour ensuite passer à la bombe de peinture (« des petites bombes de peinture de retouche pour carrosseries ») les trous de sa matrice.


Selon Davis Dutreix, « au début, il bombait directement sur le mur, mais, après nous avoir suivi (avec la Zen Copyright) dans une action-collage et constaté qu’avec un collage, on est beaucoup plus rapide, je pense que ça lui a inspiré une autre direction. Pendant ses dernières années, il n’a plus fait que peindre sur des papiers et autres supports avant d’aller coller dans la rue, entre 19 et 20 heures, heures de la relève dans les commissariats. »


Travaillant huit heures par jour, sept jours sur sept, capable de passer jusqu’à 35 ou 40 heures pour découper la matrice d’un pochoir, il a eu le temps de réaliser pas moins de 80 matrices : « des découpes tout en finesse, avec beaucoup de détails »


C’est dans le squat de la rue des Cascades (dans le 20e arrondissement) que Davis Dutreix et Le Bateleur travaillèrent côte à côte, et ce, jusqu’à la mort du Bateleur le 26 novembre1995.

Ses héros

Il suffit de lire les textes de ses pochoirs pour comprendre quels sont les héros du Bateleur.

À commencer par la thématique de l’enfant des rues, le petit Poulbot, qui est sa plus grande originalité : « J’ai toujours vécu enfant des rues », ce qui correspond à une vérité de son parcours. Même idée avec le texte « les mômes de la cloche sont vos enfants », ou encore « Kid sans abri, ce n’est pas que du cinéma », que Le Bateleur illustre par une image tirée du film Le Kid, 1921, avec Charlie Chaplin devenu père de substitution d’un enfant des rues.


Autre spécificité, son grand intérêt pour Vanessa Paradis, alors une toute jeune fille de 14 ans quand elle devint célèbre avec « Jo le taxi » (1987).

Les autres thématiques sont moins personnelles et plus liées à une époque : bouddhisme (Bouddha) et pacifisme (Gandhi), Révolution (Le Che, Zapata, un jeune palestinien avec une fronde), icônes rebelles du rock (Jim Morrison, Jimi Hendrix, Miles Davis) et autres rebelles (Coluche, Géronimo, Corto Maltese…)

Pourquoi Emiliano Zapata ? « C’était l’homme le plus pur, le plus intègre que l’on puisse imaginer, alors que c’était un riche propriétaire ! C’est un révolté viscéral, qui a fait que le Mexique est un pays libre... à la différence de Pancho Villa, qui a vite été récupéré. »


Ses slogans les plus forts sont anarchistes : « Rêve, Révolu, Révolution », ou « Défense de ficher ».

Mais aussi et surtout mystique : « N’aie d’yeux que pour Dieu » ou inspiré du bouddhisme : « Délivrance », « vers l’éveil de la conscience », « méditation », « sixième sens », « mon ami réveille-toi » … Ou encore (peut-être sentait-il alors sa mort toute proche) : « lumière des ténèbres » (image où l’on voit un Christ qui bénit).


Après sa mort


Un hommage a été rendu au Bateleur dans une exposition de ses œuvres et matrices, le 31 mai 2012, au Pigeonnier (atelier d’artiste du Vieux Nice), et d’artistes qui ont côtoyé Le Bateleur sous la bannière de la Zen Copyright dans les années 1990.

Le Bateleur laisse à sa mort l’ensemble de ses œuvres à Pierre Davis-Dutreix sans donner d’instructions. Aujourd’hui, en accord avec sa fille Sarah, il cherche à promouvoir le travail de son père en confiant l’exclusivité à L’Atelier Franck Michel de Nice.


Sources

- « Le Bateleur » [archive], sur Murs Murs (consulté le 2 mars 2022)

- « Archives ouvertes » [archive], sur INSEE

- « La Gaude : « Cité d’Art Contemporain » Artistes Le Bateleur » [archive], sur www.artnice.com (consulté le 19 février 2022)

- « Le Pigeonnier Nice » [archive], sur lepigeonnier-nice.fr (consulté le 19 février 2022)

- Dupont Pascal, « Entrée des squartistes », L’Express, 8 juin 1995 (lire en ligne [archive])

- Brigitte VITAL-DURAND, « Les mal-logés orphelins de leur avocat. Ancien écologiste, François Breteau était l’avocat du DAL. Il avait 49 ans », Libération, 1er septembre 1998 (lire en ligne [archive])

- TAREK BEN YAKHLEF, « Interview de Spray Yarps », PARIS TONKAR INTERNATIONAL, 4 novembre 2011 (lire en ligne [archive])

- Marie Christian, « Le Bateleur, fragment d’une légende », Street Art magazine, numéro 4, novembre 2016, Pages 100 à 103 (lire en ligne [archive])

- Photo by JARRY/TRIPELON/Gamma-Rapho via Getty Images, « PARIS, GRAFFITI » [archive], sur Gettyimages

- Samantha Longhi, Paris Pochoirs, Paris 6e, éditions Alternatives, 2011, 252 p. (ISBN 978-286227-671-7), p. 120/123